5 ans déjà ! En quelques années, Doc à Tunis s’est imposé comme une manifestation artistique importante dans la région et dans le monde du documentaire, et l’on peut dire qu’il a atteint sa vitesse de croisière. Pour autant, il ne s’agit pas de s’installer dans le confort d’une mécanique bien huilée car déjà arrive une nouvelle génération de spectateurs !
Ces yeux tout neufs sont l’occasion pour Doc à Tunis de faire une première rétrospective et de présenter les coups de cœur du festival lors des quatre dernières éditions : « Le Cauchemar de Darwin » qui a rempli des salles dans le monde entier, provoquant débat et prise de conscience ; mais aussi « Please vote for me », « Notre pain quotidien » et bien d’autres encore…
Depuis sa création, le festival Doc à Tunis se veut un lieu d’initiation, de rencontre et de réflexion à partir et autour du documentaire – et qui sait ? Peut-être aussi un observatoire des tendances documentaires dans le monde et en particulier dans l’espace méditerranéen.
Le visage de la Méditerranée
Voilà bientôt deux ans que le coup d’envoi a été donné à l’Union pour la Méditerranée. Il est trop tôt pour tirer des bilans de ce processus, encore neuf et en gestation. Mais les citoyens méditerranéens que nous sommes veulent prendre part, à leur manière, à cette passionnante réflexion : quel visage dessiner à notre Méditerranée, cette mer du milieu qui nous rassemble et nous sépare tout à la fois ?
Car c’est bien de cela qu’il est question. Il s’agit de construire ensemble, de lancer des projets communs – certains, d’ailleurs, sont en cours de réalisation : don de 500 000 livres par la BNF à la Bibliotheca Alexandrina, projet de chaîne méditerranéenne activement promu au moment même de ce festival au sein de la COPEAM , ferry culturel, etc…
Bien sûr on ne peut nier les défis à relever, l’asymétrie qui existe entre un Nord et un Sud méditerranéens parfois dressés l’un contre l’autre, parlant de sécurité et d’immigration au lieu d’échange et de circulation, de choc des civilisations plutôt que de diversité.
Fernand Braudel disait de la Méditerranée qu’elle est « mille choses à la fois. Non pas un paysage, mais d’innombrables paysages. Non pas une mer, mais une succession de mers. Non pas une civilisation, mais plusieurs civilisations superposées… La Méditerranée est un carrefour antique. Depuis des millénaires, tout conflue vers cette mer, bouleversant et enrichissant son histoire ».
Ainsi nous traçons les contours de la « Mare Nostrum » et de la « Mer médiane » (al-Mutawassit) que nous rêvons : un lieu d’échanges et de débat, une plateforme de connaissance et de culture, un réseau de liens tissés du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest. Les opérateurs culturels des rives de la Méditerranée se retrouvent tout naturellement au cœur de ce processus : il nous faut promouvoir la connaissance de l’autre et de soi-même, promouvoir l’éducation, la formation et la création. Loin des agendas politiques, trop courts pour un si vaste chantier, Doc à Tunis prend le pari du long terme et continue à apporter, année après année, sa petite pierre documentaire à l’édifice méditerranéen. Pour montrer le visage d’une Méditerranée qui nous ressemble.
Syhem Belkhodja
La 17e conférence de la COPEAM (Conférence Permanente de l’Audiovisuel Méditerranéen) se tiendra à Paris du 8 au 11 avril 2010.
Cette année, DOC A TUNIS souffle sa cinquième bougie.
Cette édition qui se tient du 1er au 04 avril 2010, constitue un moment charnière dans la croissance de ce festival. En effet, il est frappant de constater la rapidité et l’intensité avec lesquelles cette jeune manifestation a affirmé son caractère convivial, sa ligne éditoriale engagée et sa programmation courageuse.
Imposant un ton particulier où se conjuguent paradoxalement la désinvolture et la rigueur, l’insolence et la maturité, la gravité et l’humour, la modestie et l’ambition, DOC A TUNIS est devenu le rendez-vous de tous ceux qui revendiquent le débat autour d’un cinéma différent, de découverte, d’ouverture, d’échange. DOC A TUNIS apporte ainsi chaque année, dans un paysage audiovisuel une lueur d’espoir à travers des images tellement singulières et si peu officielles.
On comprend que ce festival non compétitif ait dû se frayer un chemin entre mille écueils, suscitant au passage l’approbation des uns et l’appréhension des autres, autant que la curiosité des observateurs pour qui cet évènement est un indice d’initiation à la démocratie dans un pays du Sud.
Cet air de liberté qui caractérise DOC A TUNIS et le rend si prometteur, est bien évidemment le fruit d’une initiative enthousiaste. Organisé à l’instigation de l’association Ness El Fen, ce festival est pensé par une équipe passionnée qui se fait un point d’honneur de relever un défi, en démontrant, à chaque session, que le documentaire est une manière vivante et civilisée de s’opposer à toutes les formes de scléroses.
Comme à l’accoutumée DOC A TUNIS passera en revue l’actualité du documentaire de création dans le monde et plus particulièrement dans le monde arabe. Mais cette session tentera de positionner davantage le festival dans la région en réfléchissant sur son appartenance à la Méditerranée dans le cadre du rapport de forces Nord / Sud. La Méditerranée est elle une véritable entité ? A quelle Méditerranée aspirons-nous ? Mus par ses questions plus que jamais actuelles nous promettons aux professionnels, aux journalistes, aux cinéphiles et aux étudiants un programme qui leur offre une diversité d’exemples pour considérer le documentaire comme alternative stratégique sous nos cieux. C’est là notre souci majeur et c’est d’ailleurs dans ce sens que nous accordons une importance accrue aux Promesses Documentaires et aux Leçons de Cinéma.
Aussi, jetterons-nous un regard rétrospectif en projetant les coups de cœur qui ont marqué les sessions précédentes. Ce rappel nous permettra ainsi d’évaluer le chemin parcouru tout en misant sur l’avenir d’un festival décentralisé.
Hichem Ben Ammar
Dans tous les pays de la rive Sud de la Méditerranée, une faune nouvelle est peu à peu en train de voir le jour : des cinéastes qui s’affranchissent des circuits officiels de cinéma pour faire des films par eux-mêmes ! Encouragés par l’accessibilité de l’outil numérique, cette race d’électrons libres pourrait prétendre à une réelle visibilité si seulement elle pouvait accéder à des canaux de diffusion officiels ou alternatifs.
A ce titre, un festival de documentaire dans un pays du Sud de la Méditerranée constitue un enjeu tel, qu’il focalise l’attention surtout lorsqu’il réussit, comme Doc à Tunis, à prouver le bien fondé de son existence et à se prévaloir d’une incontestable légitimité. A la veille de cette cinquième édition, nous sommes en droit de nourrir de nombreux espoirs.
Le festival tente en effet, à l’occasion de ce tournant, de prendre ses marques, définit mieux sa personnalité tout en investissant davantage les espaces de la créativité et de la citoyenneté.
Méditerranéen par ancrage, Doc à Tunis n’ignore pas l’actualité dans la région. Il est à la croisée des chemins et il évalue lucidement les rapports de forces en présence autant que les perspectives de renouvellement du potentiel audiovisuel dans les pays riverains.
Méditerranéen par vocation, Doc à Tunis se veut un lieu de rencontre et de réflexion pour promouvoir des idées fécondes et favoriser la fertilisation croisée des expériences en vue de mieux cerner les aspirations communes.
Mais par les temps qui courent, alors que les barrières douanières tombent pour laisser passer toutes les marchandises, d’autres barrières freinent la circulation des hommes. Quelle Méditerranée voulons-nous donc ? A quelle forme d’échanges aspirons-nous de part et d’autre de cette mer qui devient un véritable rempart et un théâtre clos où se multiplient les divergences ?
Doc à Tunis, devenu un observatoire de la production audiovisuelle, s’interroge sur tout cela. Et, considérant ce genre cinématographique comme la forme d’expression la plus adaptée pour représenter la complexité de cette situation, notre festival veut promouvoir le documentaire comme attitude et disposition de l’esprit, synonymes de dignité.
Khémais khayati