Editorial: Eloge du courant d'air
Par:François Niney

racontent les mille petites histoires singulières qui tissent la grande Histoire, bonheurs et malheurs mêlés, ils inventent des formes nouvelles traversant les catégories établies pour exposer les dysfonctionnements d'un monde inégal et emballé, et nous aider peut-être à en penser les remèdes.

Pour aller au delà des généralités, citons trois exemples que nous pourrons voir cette année (si tout va bien) sur les écrans de DOC A TUNIS, exemples d'importance inégale, presqu'opposés dans leur forme, mais qui chacun réinvente à sa façon la relation filmeur/filmé et film/spectateur. Le nouveau film de Rithy Panh, "Le papier ne peut pas envelopper la braise" met en scène des prostituées dans une maison de Pnomh Penh. Comme le dit le cinéaste, "je n'ai pas fait un film sur des prostituées mais avec elles." A mi-chemin du documentaire et du théâtre, le film combine la beauté des cadrages posés et l'âpre authenticité des répliques des protagonistes, donnant au sort de ces jeunes femmes vendues (pour sauver leur famille de la faim) toute sa dimension révoltante en même temps qu'une dignité tragique bouleversante, évitant ainsi le piège de la fiction romancée (mélo) comme du reportage sur le vif (voyeur).
C'est à un dialogue plus intime avec son amie yéménite "Maalak, et le vaste monde" que nous convie Ahlem Aussant-Leroy. C'est la relation très personnelle entre les deux femmes à travers l'objectif qui crée ici une surface de projection pour leur amitié et les rêves de Maalak, qui lutte de toute sa force juvénile pour échapper aux puissances mortifères de la maladie et de la tradition. Rêve d'étude, d'indépendance, de Canada, de guérison… Le film devient le carré magique où le rêve et les promesses de vie l'emportent imaginairement sur l'adversité alentour. Contre l'interdit des images sacrilèges, chaque image du film, au charme poétique si touchant, signifie l'espoir et figure une planche de salut, embarquant le spectateur à son bord.

Stylistiquement aux antipodes des deux films précédents, c'est à des plans fixes et des longs travellings "objectifs", sans musique ni commentaire, que l'autrichien Nikolaus Geyrhalter a confié le soin de décrire l'univers des industries agro-alimentaires occidental. "Notre pain quotidien" entrelace diverses opérations de mécanisation de la nature et du vivant à l'échelle industrielle (serres géantes, élevages, moissonnages, abattoirs…).